Extinction des enseignes dès la fermeture des magasins, réduction de 50 % de l'éclairage avant l'arrivée du public, puis de 30 % lors des pics de consommation, coupure du renouvellement de l'air la nuit, décalage de la production de glace ou encore baisse du chauffage dans tous les points de vente « jusqu'à 17°C », en cas de situation critique : les dirigeants de la grande distribution (Leclerc, système U, Casino, Monoprix, Picard…) se sont mis d'accord, lundi 18 juillet, sur les grandes lignes d'un protocole en faveur de la sobriété énergétique.
Dans la foulée, le groupe Carrefour a annoncé devenir partenaire d'EcoWatt, ce dispositif développé par RTE (Réseau de transport d'électricité) qui qualifie en temps réel le niveau d'électricité disponible pour les consommateurs. En cas de « signal rouge », autrement dit de forte tension sur le réseau, l'enseigne s'engage à réduire ou à décaler la consommation d'électricité de ses magasins en baissant, par exemple, le chauffage ou l'intensité lumineuse de ses grandes surfaces. « Compte tenu de la taille de notre parc de magasins, de notre rôle au sein de notre filière, au contact de milliers de fournisseurs et de millions de clients, nous voulons participer à l'effort national », explique Alexandre Bompard, président-directeur général du groupe.
Le premier secteur à réagir
Afin de perfectionner leur stratégie, les enseignes commerciales poursuivront leur travail durant tout l'été, autour de deux priorités : une meilleure gestion des bâtiments en fonction de leur usage, via des dispositifs d'automatisation ou de contrôle de présence par exemple, et une mobilité plus sobre pour les employés comme pour le transport des marchandises. L'amélioration de l'efficacité des meubles réfrigérés et la mise en œuvre de dispositifs de récupération de chaleur sur les groupes froids pour produire de l'eau chaude sanitaire sont également au programme. Petit bémol : ce plan ne devrait être mis en œuvre qu'à partir du 15 octobre prochain.
Un corpus de règles déjà conséquent
Si la démarche a le mérite de médiatiser la notion de sobriété et la volonté du gouvernement en la matière, elle ne doit pas pour autant faire oublier tout l'arsenal réglementaire existant. Un corpus auquel les commerces et les entreprises peuvent se référer pour améliorer leur bilan. Favorisant l'usage des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle, les plans de mobilité (PDM), obligatoires pour les entreprises de plus de 100 travailleurs, permettent ainsi une première réduction de l'usage des énergies fossiles. En parallèle, le décret Tertiaire de juillet 2019, complété par un arrêté dit Valeurs absolues, en avril dernier, impose aux propriétaires et aux exploitants de bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m2 une réduction de 40 % de leur consommation d'énergie finale, pour 2030.
Selon l'arrêté du 27 décembre 2018 sur les nuisances lumineuses, l'extinction des éclairages de vitrines de magasins de commerce, et plus généralement l'éclairage des bâtiments non résidentiels, devrait s'opérer à une heure du matin, au plus tard, ou une heure après la cessation de l'activité. L'allumage, lui, ne devrait intervenir qu'une heure avant le début de l'activité ou, au plus tôt, à 7 heures du matin. Une mesure « d'autant plus nécessaire, estime l'association Agir pour l'environnement, que l'extinction des enseignes lumineuses, notamment en automne et durant la période hivernale, réduit l'amplitude et la fréquence des pointes de consommations électriques, fortement carbonées ».
Le rôle non négligeable des collectivités
Un décret du 19 mars 2007 limite aussi à 26 °C la température intérieure à partir de laquelle un système de refroidissement peut être mis en marche ou maintenu. Pour ce qui concerne le chauffage des locaux de bureaux ou recevant du public, l'article R241-26 du Code de l'énergie plafonne la température à 19 °C. En cas d'inoccupation des locaux, celle-ci doit redescendre à 16 °C (article R241-27), et même à 8 °C lorsque la vacance est égale ou supérieure à quarante-huit heures. Visant à interdire l'ouverture des portes des bâtiments tertiaires lorsque le chauffage ou la climatisation fonctionne, un projet de décret issu d'une proposition de la Convention citoyenne pour le climat a également été mis en consultation, en janvier 2021. Le texte n'est toujours pas en vigueur, ce qui n'a pas empêché, vendredi 15 juillet, la ville de Bourg-en-Bresse (Ain) de prendre un arrêté interdisant cette pratique aux commerçants à partir du lundi suivant. Toute infraction, relevée par la police municipale, sera passible d'une amende de 38 euros.
Les maires et présidents d'EPCI ont d'autres rôles à jouer en matière de sobriété énergétique. Horaires d'extinction, surface concernée, consommation énergétique… L'article 18 de la loi Climat et résilience leur offre, par exemple, la possibilité d'imposer des restrictions techniques, par le biais de leur règlement local de publicité (RLP), aux publicités lumineuses et aux enseignes situées à l'intérieur des vitrines. À partir du 1er janvier 2024, ils deviendront, en outre, compétents pour assurer la police de la publicité sur leur territoire, que la commune soit ou non couverte par un règlement local de publicité (RLP). La panoplie de règles visant à limiter les consommations d'énergie est donc déjà bien fournie et mériterait d'être réellement et rapidement appliquée. Et pour celles qui vont se mettre en place, l'anticipation s'impose.